Mon fils,

Un jour tu comprendras…

Quand tu étais tout petit, je venais te regarder dormir. Je posais doucement ma main sur ton ventre, juste pour vérifier que tu respirais encore. Ton souffle régulier me rassurait. Et je pouvais, parfois, fermer l’œil à mon tour.

Tu verras… quand tu seras parent, toi aussi tu feras ça. Tu auras ce besoin irrationnel, vital, de savoir que ton enfant va bien, même quand tout semble calme.

Quand l’école m’appelait pour dire que tu avais de la fièvre, je fonçais sans réfléchir. Je te ramenais à la maison, et mon monde entier se recentrait sur toi. Une compote, un plaid, un câlin, et je retrouvais un peu de paix.

Quand tu tombais, que tu pleurais pour un bobo ou un copain qui t’avait blessé, je ressentais ta douleur dans mon propre corps. J’aurais tout donné pour porter tes chagrins à ta place. Tu ne le savais pas, mais souvent, après t’avoir consolé… je pleurais aussi, en silence.

Et puis tu as grandi.

Et les soucis ont grandi avec toi.

Il y a eu des nuits sans sommeil, mais pas à cause des dents ou des réveils… à cause des doutes. Des peurs nouvelles, plus profondes. Est-ce que tu étais heureux ? Est-ce que je faisais ce qu’il fallait ? Est-ce que je te transmettais assez de force, d’amour, d’équilibre… ou est-ce que je te faisais du mal sans le vouloir ?

Quand on a traversé des périodes difficiles, quand nos vies ont changé, que la famille s’est recomposée autrement, je me suis souvent demandé : comment vit-il cela ? Comment le protège-t-on de ce qui nous dépasse ?

Et puis il y a eu le collège. Les premiers vrais silences. Les portes qui se ferment. Les “ça va” qui veulent dire “je ne veux pas en parler”. Et moi, je ressentais tout. Même ce que tu ne disais pas.

Un jour, tu seras peut-être parent. Et ce jour-là, tu comprendras que ce que j’ai ressenti toutes ces années, ce n’était pas de l’inquiétude exagérée, ni de la peur incontrôlée.
C’était de l’amour. De l’amour immense. Un amour qui déborde, qui bouscule, qui inquiète parfois, oui, mais qui veut juste une chose : que tu sois heureux.

Tu comprendras pourquoi j’avais toujours besoin de savoir où tu étais. Pourquoi un simple message de ta part suffisait à calmer mes tempêtes intérieures. Pourquoi je pouvais passer une nuit blanche parce que tu m’avais paru triste au dîner.

Tu comprendras aussi pourquoi, parfois, je regardais de vieilles photos de toi bébé avec un pincement au cœur. Parce qu’à cette époque-là, ma seule inquiétude, c’était de vérifier que tu respirais. Et que tout allait bien dans ton petit monde. Et ça me suffisait.

Aujourd’hui, tu es plus grand, plus libre, plus fort. Et moi, je t’aime toujours avec la même intensité.
Juste différemment. Un peu plus discrètement peut-être, mais jamais moins fort.

Un jour, mon cœur, tu comprendras.

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