Les mensonges que l’on se raconte

Tout le monde ment. Un jour ou l’autre, on a tous déjà menti. Et si on y réfléchit bien, derrière chaque mensonge, il y a une peur. Pas forcément une mauvaise intention, juste une peur profonde qui nous pousse à travestir la vérité.

Je me souviens, quand j’étais enfant, j’avais menti à mes camarades en leur disant que mon père était gravement malade. Pourquoi ? Parce que je voulais attirer leur attention, qu’on me regarde, qu’on me plaigne. Est-ce que c’était mal ? Oui, bien sûr. Mais est-ce que c’était méchant ? Non. Ce mensonge était juste le reflet d’un besoin, d’une peur : celle de ne pas être vue, de ne pas compter.

On ment souvent parce qu’on a peur des conséquences de la vérité. Une personne qui trompe son partenaire et qui l’assume pleinement dira la vérité, quitte son conjoint et entame peut-être une autre relation. Mais quand la tromperie est le reflet d’un mal-être – et souvent c’est le cas – la personne ne voudra pas l’avouer, non seulement pour ne pas blesser l’autre, mais aussi par peur d’être quittée, rejetée. Ce n’est pas pour excuser l’acte, mais pour comprendre que ce n’est jamais aussi simple qu’un simple choix entre le bien et le mal.

On ment aussi par bienveillance : qui n’a jamais dit à un ami que sa nouvelle coupe lui allait bien alors qu’on pensait sincèrement que c’était mieux avant ? Pas par hypocrisie, mais par peur de blesser, par crainte de perdre la relation ou de déclencher un malaise.

Même les enfants mentent, et pas parce qu’ils sont manipulateurs. Un enfant qui affirme avoir eu une bonne note alors que c’est faux, il ne cherche pas à tromper ses parents par plaisir, mais parce qu’il a peur de leur réaction, peur de les décevoir, peur de la punition. Derrière chaque mensonge se cache une émotion plus profonde que la simple envie de tromper l’autre.

Mais si le mensonge est aussi présent, c’est peut-être aussi parce que notre société ne laisse pas vraiment la place à l’honnêteté. On vit dans un monde où le jugement et la critique sont omniprésents. Dire la vérité peut être difficile, car on sait qu’elle sera scrutée, analysée, et parfois durement commentée. On nous pousse à rentrer dans un moule, à ne pas dire ce qui pourrait être mal perçu. Il m’est arrivé, par exemple, d’exagérer les symptômes de mon fils lorsque je prévenais son collège de son absence, de peur d’être jugée comme un mauvais parent. Parce qu’avouer qu’il n’était simplement pas en forme ce jour-là me paraissait risqué dans un système qui attend des justifications solides et incontestables.

Le mensonge n’est pas toujours motivé par la malveillance, mais bien souvent par la peur et la pression sociale. L’idée que notre société ne laisse pas toujours la place à l’honnêteté est particulièrement pertinente. Nous sommes conditionnés à chercher l’approbation, à éviter le rejet et le jugement, ce qui pousse parfois à déformer la vérité. Dès l’enfance, on apprend que dire la vérité peut avoir des conséquences négatives. Un enfant qui dit à ses parents qu’il n’a pas envie de voir quelqu’un risque de se faire gronder, alors il apprend à inventer une excuse. À l’école, on comprend vite qu’il vaut mieux embellir la réalité pour ne pas être mis de côté. Ce conditionnement nous suit toute notre vie et nous pousse à mentir non pas pour manipuler, mais pour être acceptés.

Bien sûr, il y a des mensonges qui sont intentionnellement nuisibles. Certaines personnes mentent pour faire du mal, pour manipuler. Mais même derrière ces actes, il y a souvent une souffrance, un vide, une blessure non guérie. La haine, la cruauté, la méchanceté ne naissent pas du néant : elles sont souvent les symptômes d’un mal-être intérieur.

L’idée ici n’est pas de justifier le mensonge ou d’excuser ceux qui en abusent. Mais peut-être qu’en comprenant d’où il vient, on peut être un peu plus indulgent. Pas dans le sens de tout accepter, mais dans celui d’arrêter de diaboliser systématiquement celui qui ment. Si quelqu’un nous a menti, peut-être peut-on se demander : de quoi avait-il peur ?

Parfois, on ment parce que dire non est plus difficile que d’inventer une excuse. Qui n’a jamais prétendu avoir un empêchement plutôt que de dire « je n’ai pas envie » ? Parce qu’on craint de blesser, d’être mal perçu, d’être rejeté. Être totalement honnête demande énormément de courage. Mais si on apprend à être sincère tout en restant bienveillant, si on choisit nos besoins sans écraser ceux des autres, alors peut-être que les autres nous accueilleront avec plus de compréhension.

Les croyances ont la vie dure, et nos peurs nous dictent souvent nos comportements. Mais reconnaître ces peurs, les accepter, c’est déjà un pas vers plus d’authenticité.

Voilà, c’était ma réflexion du jour. Vous en faites ce que vous voulez : vous pouvez y réfléchir ou la rejeter. Mais peut-être qu’on gagnerait tous à être un peu plus indulgents face aux mensonges.

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