Mon fils,
Les silences ont changé entre nous.
Ce nouveau silence, il me parle de toi… de toi qui grandis.
Treize ans. Tu n’es plus vraiment un enfant, pas encore tout à fait un ado. Tu es dans cet entre-deux, un endroit un peu flou, où les portes commencent à se fermer doucement, où les mots se font plus rares.
Je me souviens de tes retours pleins de bruit et de rires, de toutes ces histoires que tu me racontais sans fin. Aujourd’hui, je te trouve souvent dans ta chambre, casque sur les oreilles, concentré dans ton monde à toi.
Je frappe. Et parfois, j’ai l’impression que ma présence est de trop.
Je te regarde te chercher, essayer de comprendre qui tu es. Tu me réponds brièvement, tu me confies moins de choses. Un simple « bien » quand je te demande comment s’est passée ta journée… et je devine, derrière ce mot, tout ce que tu ne dis pas.
Il y a des soirs où je te regarde avec une fierté immense… et aussi une petite pointe de mélancolie. Je me souviens de tes bras autour de mon cou, de tes secrets murmurés sans hésiter. Aujourd’hui, chaque moment de partage devient un petit trésor.
Je n’insiste pas. J’apprends.
J’apprends que ton silence n’est pas un rejet.
Il est nécessaire.
Tu construis ton monde.
Et moi, je suis là. Présente. Disponible.
Parfois, tu rouvres la porte. Tu viens me parler d’un jeu, d’un copain. Ça dure quelques minutes, et ces instants-là, je les attrape comme des perles précieuses.
La solitude d’une maman dont l’enfant grandit n’est pas vide.
Elle est pleine d’amour discret, d’attente silencieuse, de veilles tendres.
Je t’observe. Je veille. Je sais que derrière cette porte fermée, tu rêves, tu doutes, tu avances.
Et quand le soir, je passe devant ta chambre et que j’entends ton rire, un chuchotement, un petit éclat de vie… je me dis que tout va bien.
Tu es là. Tu deviens toi.
Et c’est tout ce que je veux.
