Apprivoiser l’absence en garde alternée, c’est comme naviguer sur une mer capricieuse. Parfois calme, parfois déchaînée, toujours imprévisible. Surtout au début, quand chaque jour, chaque semaine sans nos petits nous arrache un morceau de cœur. On se sent comme un bateau sans ancre, dérivant dans un océan de silence.
On nous dit : « Profite de ton temps libre ! » Ils nous imaginent voguant sur des flots de liberté, faisant la fête jusqu’à l’aube, écumant les boutiques ou explorant tous les bars branchés de la ville. Comme si notre vie était soudain devenue un long week-end entre amis. Si loin, si loin de notre réalité…
Mes soirées « libres » ? Un brin banales, comme une mer d’huile. Je rentre au port, j’enlève mes talons – ces boulets qui m’ont lesté toute la journée – j’enfile mon uniforme de confort et je m’échoue sur le canapé. Luxe suprême de pouvoir s’affaler sans avoir à penser au dîner des enfants, aux devoirs, aux bains. Un luxe qui a un goût amer.
L’autre semaine, celle avec les enfants, c’est comme naviguer dans des rapides. Une course effrénée entre les devoirs à vérifier, les repas à préparer, les douches à superviser (ah, la salle de bain après le passage d’un pré-ado, ce champ de bataille aquatique !), les câlins à distribuer et le rituel du coucher à orchestrer. Une routine épuisante mais tellement vivante, comme une symphonie joyeusement cacophonique.
Puis vient l’autre semaine. Le vide. Le silence assourdissant. Le temps qui s’étire comme une mer sans horizon. Au début, ça paralyse. On se sent inutile, comme un capitaine sans navire. Le manque nous dévore, tel un kraken embusqué dans les profondeurs de notre solitude. On frôle les récifs de la dépression, on tangue dangereusement.
Alors on essaie de combler ce vide, de fuir ce silence. On sort, trop. On s’agite pour ne plus penser, comme un marin ivre qui tente d’oublier la terre ferme. On devient boulimique d’activités, adepte de la procrastination. Tout pour ne pas affronter ce calme qui hurle l’absence.
Mais un jour, il faut faire face à ce néant. L’apprivoiser, comme on apprivoiserait une mer capricieuse. Non pas l’aimer, mais apprendre à naviguer dessus. Petit à petit, on s’habitue à ce nouveau rythme de marées. On redécouvre le silence, on apprend à l’écouter sans se noyer dedans. On écoute ses envies, sans culpabilité, comme un vieux loup de mer qui lit les étoiles.
On continue de sortir, mais différemment. Ce n’est plus une fuite, mais un choix. On apprécie autant ces sorties que les moments de calme à la maison. On trouve un nouvel équilibre, fragile mais précieux.
Mais attention, ce n’est jamais gagné. Certains départs seront sereins, une traversée tranquille. D’autres nous briseront le cœur comme une tempête imprévisible, nous ramenant à nos premiers jours de navigation maladroite.
C’est ça, la garde alternée. Un apprentissage constant de l’amour à distance. Une école de navigation émotionnelle où l’on apprend à voguer entre présence et absence, entre tumulte et calme plat. Parfois douloureux, souvent déstabilisant, mais qui nous apprend, au fil du temps, à aimer encore plus fort, comme un phare qui brille d’autant plus intensément dans la nuit.
Vie bien différente que » une semaine sur deux » mais bon sang que de similitude de ressenti quand je vous lit et pourtant …il s agit bien d une séparation différente certe,…mais quelle séparation….
Merci pour vos partages….
Les mêmes ressentis…. j’ai « eu la chance » de ne faire la garde alternée que lorsqu’ils étaient déjà un peu grand. Et même aujourd’hui ce n’est pas vraiment une garde alternée 1 semaine 1 semaine c’est plus de temps chez maman que chez papa. Mais que ce fut dur les premiers temps de cette nouvelle organisation pour moi et pour eux aussi pour leurs petit frère et sœur…. aujourd’hui on arrive a mieux gérer tout ça ils ont 15 et 12 ans. Merci ça fait du bien de vous lire.